En 2015, Sam Bouchal était secrétaire général de la Fédération belge des Taxis (Febet), à l’origine de l’action en justice contre Uber. Un combat qu’il remporte en février 2024, lorsque la Cour d’appel de Bruxelles affirme qu’Uber a agi de manière illégale à Bruxelles-Capitale entre septembre 2015 et décembre 2021. Désormais secrétaire général de la BTF (Fédération bruxelloise du taxi), celui qui dirige une société de taxis continue de mener le combat pour défendre la profession et alerter sur les pratiques peu scrupuleuses du géant américain. Il est l’un des piliers de l’action en réparation.
Vous êtes chauffeur de taxis depuis plus de 30 ans. Comment avez-vous vécu l’arrivée d’Uber à Bruxelles-Capitale ?
Au tout début, je voyais Uber comme une plateforme supplémentaire qui faciliterait la vie des chauffeurs de taxis, un peu comme le font les centrales téléphoniques. Je me suis aussi dit que cela allait nous amener un autre type de clientèle. J’ai très vite déchanté lorsque j’ai compris qu’Uber se moquait tout à fait des chauffeurs, que le seul but de cette entreprise était de faire de l’argent à sa façon. Étant donné que notre secteur est particulièrement réglementé, j’étais persuadé que l’administration empêcherait Uber d’agir sur le long terme. Uber Pop a finalement été arrêté, mais Uber X a par la suite été mis en place. J’ai compris que l’administration ne ferait rien, et j’ai donc considéré qu’il fallait porter nos droits devant la Justice. C’est ce que j’ai fait en qualité de secrétaire général de la Febet.
L’action a porté ses fruits, puisqu’elle a conduit la cour d’Appel a affirmer l’illégalité de Uber pendant 7 ans …
La Justice reconnaît effectivement qu’Uber a été dans l’illégalité pendant 7 ans, avant que le gouvernement ne change la loi pour permettre à l’entreprise d’intervenir tranquillement sur le territoire. C’est une victoire.
La présence d’Uber a causé d’importants dégâts pour les exploitants de taxis. L’avez-vous constaté concrètement ?
Oui, on parle très concrètement d’une baisse de bénéfice de 30 % pour les sociétés de taxis. Nous avons dû être créatifs pour rester en vie. En ce qui me concerne, j’ai coupé toutes les dépenses possibles, et cela a été très dur financièrement. Pour s’en sortir, certains ont dû travailler 14 heures par jour ; c’est très dur physiquement et moralement. Cela a un impact direct sur la vie personnelle. C’est tout un environnement social qui est touché.
Cette action en réparation est donc particulièrement importante…
Oui, il ne s’agit pas uniquement d’obtenir réparation financièrement, même si c’est bien sûr important. Il s’agit aussi de montrer au plus grand nombre qu’Uber n’est pas le héros du numérique. Toute la société doit comprendre quelles sont les pratiques d’Uber et comment la plateforme a manipulé l’opinion et l’administration pour nous faire passer pour des ringards, des rentiers, des technophobes. Non seulement ils ont agi dans l’illégalité — et c’est la Justice qui le dit — mais en plus, ils n’ont eu de cesse de nous traîner dans la boue et de salir notre image. Cette action est l’occasion pour nous, les exploitants de taxis, de récupérer ce qui nous a été volé : de l’argent, mais aussi des heures de travail et des jours de vie.